En portugais, le numéro spécial du Jornal de letras consacré à José Saramago : ICI.
Ci-dessous, l'hommage du Figaro le 18 juin 2010 :
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L'écrivain portugais engagé vient de mourir à l'âge de 87 ans. Il avait reçu le prix Nobel de littérature en 1998.
José Saramago n'a cessé, tout au long de son œuvre, de revisiter à sa manière l'histoire du Portugal. Né en 1922, cet écrivain tardif (il avait plus de soixante ans quand il a connu ses premiers grands succès), appartient à la littérature née de la «révolution des Œillets», qui mit fin, en 1974, au régime salazariste. Relevé du sol, qu'il fait paraître en 1980, est issu de cette mystique du «beau rêve d'avril». Dans ce roman, l'écrivain conte la misère des paysans sans terre employés comme journaliers sur les grands domaines. Il ne faut pas oublier les origines de Saramago : fils de paysans pauvres, c'est un autodidacte, et son seul diplôme est celui de… serrurier, métier qu'il a exercé pendant trois années avant de travailler dans des bureaux puis de devenir journaliste. Il milita pendant des années dans la clandestinité au parti communiste. Il publia de loin et loin quelques livres, des romans, un recueil de poèmes. Rien de très important.
Il faut attendre les années 1980 pour qu'il accède à la notoriété avec Le Dieu manchot et, surtout, L'Année de la mort de Ricardo Reis. Dans ce roman, Saramago fait revivre la figure mythique de Fernando Pessoa. Les critiques louent son savoir-faire, son art de conter, sa fantaisie. Mais c'est par le scandale qu'il touche le grand public. En 1991 son iconoclaste Évangile selon Jésus-Christ lui vaut en effet d'être fustigé par L'Osservatore Romano, organe de presse officiel du Vatican, qui juge sa «vision substantiellement antireligieuse». Le romancier relit en effet les Évangiles à sa façon et affirme que Jésus a été l'amant de Marie Madeleine. Il présente en outre Jésus comme le jouet d'un Dieu qui, frustré de ne régner que sur le peuple hébreu, désire étendre son emprise sur le monde entier. La polémique devint une affaire d'État. Selon un ministre portugais, l'écrivain portait atteinte au «patrimoine religieux national». À la suite de ce scandale, Saramago quitta son pays. Il s'installa sur l'île de Lanzarote, dans l'archipel espagnol des Canaries.
S'il choqua les catholiques du Portugal et de l'Espagne, le ricanement voltairien du Portugais fut du goût des jurés du Nobel. José Saramago reçut en 1998 la prestigieuse récompense, l'Académie suédoise expliquant, dans ses attendus, que l'œuvre de l'écrivain «rendait tangible une réalité fuyante grâce à des paraboles par l'imagination, la compassion et l'ironie». Quand il apprit qu'il avait le Nobel, l'écrivain fit cette boutade : «C'est comme Miss Portugal, l'an prochain on l'aura oubliée…»
Depuis quelques années, ce grand lecteur de Montaigne, de Cervantes et de Kafka alimentait régulièrement un blog dans lequel il ne mâchait pas ses mots. Défenseur de la cause palestinienne, il avait à plusieurs reprises violemment dénoncé la politique israélienne dans les Territoires occupés. L'an dernier, Saramago n'hésitait pas à mettre en cause le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, le qualifiant de «délinquant». Saramago le blogueur prolongeait ainsi via Internet la mission qu'il pensait être celle de l'écrivain : tenir un discours sur l'état du monde.
La quasi-totalité de l'œuvre de José Samarago est disponible en français aux éditions du Seuil.
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