dimanche 7 juin 2009

Un concours douteux



Ci-dessous, un texte/pétition d'historiens su sujet du concours « Les 7 merveilles portugaises » qui ignore l’histoire de l’esclavage et de la traite transatlantique.

Il y a environ vingt ans, plusieurs pays européens, américains et africains, ont commencé à affirmer la mémoire douloureuse de la traite des Africains mis en esclavage aux Amériques et à mettre en valeur le patrimoine qui lui est lié. Cette mise en valeur fut traduite non seulement par la publication d’un grand nombre d’ouvrages historiographiques mais s’exprima aussi par la mis en œuvre de projets comme La Route de l’Esclave initié par l’UNESCO en 1994.

Malgré les difficultés et les luttes ayant entouré l’émergence de la mémoire du passé esclavagiste des nations européennes, américaines et africaines, depuis dix ans, la mémoire et l’histoire de la traite atlantique ont commencé à intégrer la mémoire publique de plusieurs pays dans les trois continents entourant l’Atlantique. En 2001, par la loi Taubira, la France fut le premier pays à reconnaître l’esclavage et la traite atlantique des esclaves comme crime contre l’humanité. Aussi en France, le 10 mai est désormais « Journée Nationale de Commémoration des Mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de ses abolitions ». En 2001, à Durban en Afrique du Sud, la Troisième Conférence de l’ONU contre le racisme a inscrit dans ses déclarations finales l’esclavage en tant que « crime contre l’humanité ». En 1992, à la Maison des esclaves dans l’Île de Gorée au Sénégal, le Pape Jean-Paul II a formulé des excuses pour le rôle joué par l’Église Catholique dans la traite transatlantique. En visite en Afrique, Bill Clinton, George W. Bush et le Président du Brésil Luis Inácio Lula da Silva, ont condamné les erreurs du passé esclavagiste. En 2006, Michaelle Jean, gouverneure générale du Canada, en visite au Fort Elmina (site qui fait partie du concours) au Ghana a dénoncé le passé esclavagiste. En 2007, pendant les commémorations de l’anniversaire de deux-cents ans de l’abolition de la traite britannique, Tony Blair a exprimé son profond regret par le rôle joué par la Grande-Bretagne dans le commerce atlantique d’Africains mis en esclavage.

En 2009, le gouvernement du Portugal e plusieurs institutions portugaises dont l’Université de Coimbra, ont choisi le chemin opposé à celui qui vient d’être décrit. Au cours du premier semestre de cette même année, ces institutions ont appuyé la réalisation d’un concours en vue de choisir les Sept Merveilles Portugaises dans le Monde. Dans la liste des sites des merveilles à être élues par le public sur Internet (http://www.7maravilhas.sapo.pt), on y trouve non seulement le Fort São Jorge da Mina (ou Elmina) entrepôt commercial fondé par les Portugais en 1482, mais aussi la Vieille Ville (Ribeira Grande), Île de Santiago au Cap Vert, ainsi que Luanda et l’Île de Mozambique. En décrivant ces sites, l’organisation du concours a omis de s’en remettre à l’histoire et de signaler l’usage qu’avaient ces lieux pendant le commerce atlantique des esclaves. Dans le texte décrivant le Fort Elmina, on y affirme que ce site fut l’entrepôt d’esclaves seulement après l’occupation hollandaise du site, à partir de 1637.

Pour être fidèles à l’histoire et moralement responsables, nous considérons que l’inclusion de ces « monuments » dans un tel concours devrait être accompagnée d’informations complètes sur leur rôle dans le commerce atlantique, de même que sur son usage présent. Le Fort de São Jorge da Mina ou Elmina, par exemple, est aujourd’hui un musée qui essaie de représenter l’histoire du commerce atlantique. Il s’agit d’un lieu visité par des milliers de touristes du monde entier, parmi lesquels plusieurs représentants de la diaspora africaine qui cherchent à y rendre hommage à leurs ancêtres. Le gouvernement portugais, les institutions qui appuient le concours et ses organisateurs ignorent la douleur de ceux dont les ancêtres furent déportés à partir de ces entrepôts commerciaux ou sont décédés sur place. Est-il possible d’envisager de séparer l’architecture de ces sites du rôle qu’ils ont eu dans le passé et qu’ils atlantique et l’esclavage des Africains dans les colonies européennes ? D’après des estimations récentes (www.slavevoyages.org), le Portugal, et plus tard son ex-colonie, le Brésil, furent ensemble responsables pour presque la moitié des 12 millions de captifs transportés par l’Atlantique.

Par respect face à l’histoire et à la mémoire des millions de victimes de la traite atlantique des esclaves, nous venons par la présente dénoncer l’omission du rôle qui ont eu ces lieux dans le commerce atlantique d’Africains mis en esclavage. Nous invitons tous ceux et celles qui sont concernés par la recherche sur le commerce atlantique des esclaves et sur l’esclavage à manifester leur désaccord avec le fait que l’histoire de ce commerce soit banalisée et effacée au profit de l’exaltation d’un passé portugais glorieux exprimé dans la « beauté » architecturale de tels sites de tragédie.

Ana Lucia Araujo, Howard University, Washington, États-Unis
Arlindo Manuel Caldeira, CHAM, Lisboa, Portugal
Mariana Pinho Candido, Princeton University, Princeton, États-Unis
Michel Cahen, Centre d’Études de l’Afrique Noire, CNRS, Bordeaux, France
Christine Chivallon, Centre d’Études de l’Afrique Noire, CNRS, Bordeaux, France
Myriam Cottias, CNRS, Directrice do Centre International de recherches sur les esclavages, Paris, France
Maurice Jackson, Georgetown University, Washington, États-Unis
Hendrik Kraay, University of Calgary, Canada
Jane Landers, Vanderbilt University, Nashville, États-Unis
Jean-Michel Mabeko-Tali, Howard University, Washington, États-Unis
Jean-Marc Masseaut, Anneaux de la Mémoire, Nantes, France
Hebe Mattos, Universidade Federal Fluminense, Rio de Janeiro, Brésil
Claudia Mosquera Rosero-Labbé, Universidad Nacional de Colombia, Bogotá, Colombia
João José Reis, Universidade Federal da Bahia, Salvador, Brésil
Anna Seiderer, Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervure, Belgique
Simão Souindola, Historien, Luanda, Angola

1 commentaire:

  1. Est-ce vraiment neccessaire de faire une pétition sur un concours qui n'interesse que les portugais. Tous nous savons que les portugais sont des "méchants" esclavagistes qui ont traversés les océans avec l'idée de faire un concours sur les 7 merveilles construites par des portugais en niant que aux siécle XIV et XV il y eu un commerce triangulaire bref... Je suis un portugais et je sais que mes ancêtres se sont trompés, mais qui n'a jamais péché me jette la première pierre. Mais au lieu de faire une pétition sur un oublie historique, pourquoi ne pas pointer le doigt sur le partage et les échanges culturels qui se sont effectués durant 200 ans. Cela pourrais eviter de remuer sur une plaie qui peine à se refermer. Enfin je crois que l'avenir de la planète terre est bassé sur le métissage des cultures et je pense que nous portugais nous sommes le peuple qui à le plus mélanger sa culture avec les autres à travers le monde et vouloir nous réduire à des esclavagistes c'est très honteux.

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